Souvenì d'una Journada de Mai
Souvenì d'una Journada de Mai ("Memory of a day in May") is a poem in Occitan by Louis-Diogène Guiraldenc (1840-1869). See the Guiraldenc page for all of his poems and more about the poet himself.

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Original Version
The following is the original version of the poem in the Montpellieran dialect of occitan, with observations by A. Roque-Ferrier in French.
Souvenì d'una Journada de Mai
Galant mes de mai,
Tant fres e tant gai,
E tout se reviho.
Cada an[1], au mes de mai,
Tout, dedins[2] la natura,
Tournà flourìs e nai,
E s' alisca e s'escura:[3]
Aubres, de per lou bos,
Au prat, margaridetas,
Bestias e bestioletas,
Per terras e per rocs[4].
Adoun[5] fai gaud[6], adoun fai lum[7] de veire
L'aucelou qu'espelìs e vai voulastrejà,
L'aura[8] que sus las flous s'encourrìs fadejà,
La filha[9] e lou jouvent[10] qu'à l'amour ausoun[11] creire;
Mes de plasença, antau te deurien batejà.
Era lou mes de mai: lou jour, dirai pas quante;
N'en soui pas prou segu, mais[12] sabe [be] pamens
Que de ma vida en lioc n'ai vist[13] un pus[14] bèu tems[15],
Nimai n'en veirai un que couma[16] aquel m'encante;
Mais[12], desempioi que s'es enniboulit,
Fai pas ges[17] de lusida, es de longa aplougit.
Vai, quiten acò mort: Adoun me passejave,
Cafit de pensaments[18], sus[19] un camì, dran-dran,
D'estranges pensaments[20] ounte me vo[u]lountave,
Couma dins soun bressou se voulounta un enfant.
De que roumiave dins[2] ma testa ?
De que m'agradava tant ben ?
De que moun cor aviè talent,
Per que lou souvenì m'en resta ?
Aviè ime e talent[21] de quicon
Qu'escarrabilha[22] ou raviscoula,
O[u][23] qu'abourìs ou que brigoula,
Quoura[24] que fai pinchou, quoura que se rescond.
Oh ! granda era ma fam, granda ma petelega,
E sabiei[25] pas couma deviei[26] noumà
Acò que me fasiè tant lega
E que lou tems[15] m'a dich que s'apelava aimà
Atabé[27], dedins[2] la jouvença,
Dintrave moun ped[28] tout-escàs,
Tout nòu encara e flourat d'inoucença;
Noun poudiei estre estruc à l'oura de partença
D'aquel[a] qu'adejà me sounjave tout bas.
M'en anave entramens[29], long d'una caminola,
M'enanere long tems tout soulet; mais, subran[30],
Au caire ount[31] lou camì virava, ras d'un camp,
De filhas s'atroubet[32] una prou longa cola,
Que venien tout riguent, tout cantant, tout dansant[33].
Oh ! que la troupelada era jouina e poulida !
Soun cant couma era cla, sa dansa trefoulida,
E soun rire galoi !
De s'atroubà[34] 'mé ieu[35], loga d'estre paurugas,
Sous iols couma lou fioc me trasien de belugas,
Qu'intreroun dins[2] moun cor e l'emranderoun pioi.
D'aquela vista fourtunada,
N'agere[36] prou, moun Dieu[37], ben prou emb un soul[38] cop,
Per que moun ama tendra, ara qu'era tustada,
Se fendasclesse en mai d'un floc[39].
Tant ben[40] la brandida era forta !
Ieu[35], per poudre ie rejistì,
M'auriè[41] caugut mai m'afourtì,
E per un moumenet ma vida seguet morta,
Car la sentiguere partì.
Mais aquel mouriment, aquel proumte mautraire,
Toumbet pas en palha[42] per ieu[35]:
Toutas, quand per lou sòu[43] me devisteroun jaire,
Estabanit mai que se deu[44],
Toutas, per me levà[45], vengueroun d'una escoussa,
E destaperou 'n pau moun ama de soun dòu[43],
E me crideroun de ma pòu[43],
Mais dins de mots tant bèus[44], una lenga tant douça !..
Sarradas contra ieu[35], poudien pas s'alassà,
E de me counsoulà e de me caressà,
E de m'aprouvesì contra ma pòu[46], ma crenta;
Pioi, entre qu'à cha[47] pau, sus ma lebra mourenta,
Se pausava tournà la joia benfasenta,
Couma una abelha sus la flou,
Moun ama, las! quitava[48] à cha[47] pau sa doulou.
Oh ! se las aviàs vist[49], de sa man benesida[50],
Sous iols clins sus lous mieus, embé bon cor, pietat,
M'abeurà largament[51] dau ben qu'era assedat[52],
Auriàs, crese, emessat dech ans de vostra vida
Per tastà[53] un pauquet de ma felicitat.
Voudriei, ieu[37], que tournà venguesse
Aquel bonur, aquel bèu jour;
Voudriei que mai rous lusiguesse
Au premiè pas de moun amour.
O bèutats ! aimariei encara
Estre sauvat de vostras mans,
Ausi vostres jocs[4], vostres cants,
E ce d'alor ou [re]veire[54] ara,
En trevent[55] ensemble lous camps.
Mais sus aqueste mounde,
Quand vous estourroulhàs[56] au cagnard dau plesì,
Quand una ourada ou dos i' avès pres de lesì,
Tenès adejà vostre abounde
E cau qu'un nibou vous l'escounde,
E que lou frech dau[57] mau vous vengue engrepesì !
Observations
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^ Cada n'est employé aujourd'hui que dans le sous-dialecte lodevois, lequel confine au montpelliérain. Les villes de Gignac, Clermont, Lodève et le Caylar, ainsi que les villages qui les avoisinent, fournissent à Montpellier des appoints très-considérables de population, en sorte que l'on y entend souvent cada pour chaca. M. Langlade a employé cette forme dans quelques-uns de ses poëmes.
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^ ^ ^ ^ Guiraldenc écrit dedin et din, habitude conforme à la prononciation, en exceptant toutefois le cas où ces deux prépositions sont suivies d'un mot qui commence par une voyelle: dins un camp.
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^ Le verbe escurà n'est ordinairement employé qu'avec le sens de nettoyer, récurer des objets en cuivre.
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^ ^ G. écrit ros, jos, habitude conforme à la prononciation.
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^ Adoun, alors. A presque entièrement disparu aujourd'hui.
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^ Gaud, joie; ne se dit guère que dans les phrases suivantes: grand gaud qu'ou age, grand gaud qu'ou atrobe, qu'ou degalhe pas, etc.
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^ G. écrit lun, habitude conforme à la prononciation.
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^ Aura, vent, vent léger, mot inconnu à la langue populaire de nos jours. G. l'a probablement emprunté au vocabulaire des félibres. Il est resté, d'ailleurs, d'un usage courant dans le département de la Lozère.
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^ Fiha dans le ms. Il en est de même dans toutes les autres pièces de Guiraldenc, qui semble n'avoir pas soupçonné les avantages de la notation lh.
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^ Jouvent, jeune homme, ne se dit aujourd'hui qu'en parlant du cap-de-jouvent ou chef de la jeunesse.
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^ G. supprime toujours l'n final à la troisième personne plurielle du présent de l'indicatif, à celles de l'imparfait et du prétérit de l'indicatif. Cette suppression est, d'ailleurs, conforme à la prononciation montpelliéraine.
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^ ^ L'auteur écrit mai. Afin d'éviter une confusion avec mai (encore, plus), on écrit aujourd'hui mais, que l'on prononce mè, et mès devant une voyelle.
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^ Ms. vis, habitude conforme à la prononciation.
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^ Ms. peu, qui reproduit la prononciation. Quelques personnes disent même pé.
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^ Ms. coum' aquel. G. supprime les lettres qu'une élision fait disparaître.
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^ Ms. jes.
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^ Ms. pensamens. G. supprime le t dans toutes ses poésies, aussi bien au pluriel qu'au singulier: pensamen, enfan, talen.
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^ Le ms. porte, sans doute par erreur, sur.
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^ On peut se demander si la répétition n'a pas été voulue.
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^ G. compte aviè ime pour trois pieds.
La fin du vers qui précède renferme une faute de rime contre la langue actuelle: resta pour reste. Il faut remarquer néanmoins que la forme en a existait autrefois concurremment à la forme en e, et qu'elle n'a pas tout à fait disparu dans les villages des environs de Montpellier. Sage, Roudil, l'abbé Favre, etc., en contiennent de très-nombreux exemples.
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^ Ms. qu'escarabiha. La prononciation exige que l'r soit redoublé.
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^ Ms. o, bien qu'il y ait ou deux mots après. O est un emprunt à la langue des félibres, ou peut-être une distraction de l'auteur.
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^ Ms. coura.
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^ Ms. saviei.
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^ Ms. debiei.
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^ Mot que le langage des vieillards est le seul à conserver. La nouvelle génération dit généralement aussi, que G. emploie quelque-fois. Voyez, par exemple, la Gloriousa et la Masca.
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^ Ms. pe.
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^ Ms. entramen.
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^ Subran, tout à coup, mot inconnu à la langue de Montpellier. C'est un emprunt au vocabulaire des félibres, peut-être une exigence de la rime.
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^ Ount pour ounte, forme plus lodévoise que montpelliéraine à l'heure qu'il est.
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^ Ms. s'atrouvet.
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^ Ms. riguen, cantan, dansan. G. n'employe pas le t à la fin de ses participes.
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^ Ms. s'atrouvà.
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^ Ms. n'ajerou, sans doute par suite d'une distraction. Le contexte exige n'agere.
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^ ^ Ms. Diou, miou. Dans cette pièce, G. écrit iou la diphthongue montpelliéraine que l'on a l'habitude d'orthographier ieu, bien que la prononciation ne fasse pas sentier l'e.
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^ Ms. souleo, écrit d'un seul mot.
Sebastian's note: The original document is missing a reference to note 38 in the poem itself. I've inserted it where I believe it should've been between notes 37 and 39.
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^ Ms. flo.
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^ Ms. tamben, orthographe empruntée par G. aux félibres avignonnais.
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^ Ms. m'auriei, sans doute par erreur.
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^ Ms. paia.
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^ Ms. leba.
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^ Contrairement à son habitude, G. a écrit pòu.
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^ ^ Cha, forme abrégée, et en train de disparaître, pour chaca, chaque.
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^ Ms. Ama elas quitavou, phrase incompréhensible. Ma correction est, d'ailleurs, fort problématique.
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^ Faute de langue. Il faudrait: Oh ! se las aviàs vistas…
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^ Benesida, forme empruntée à la langue des félibres ou au vocabulaire rouergat.
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^ Largament, forme savante. On ne connaît aujourd'hui que larjament.
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^ Assedà, avoir soif.
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^ Tastà un pauquet. On dit aussi bien tastà un pauquet que tasta 'n pauquet. Il semble que l'r de l'infinitif existe ici à l'état latent.
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^ Ms. ou veire, qui fausse le vers. Les détails qui précèdent exigent, au contraire, un verbe réduplicatif.
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^ En trevent, exemple d'une prononciation qui devient de plus en plus générale dans le montpelliérain, comme dans les autres dialectes méridionaux. Il faudrait en trevant.
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^ Ms. estourouias, quoique la prononciation soit estourrouiàs.
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^ Les génitifs de G. sont écrits d'au, et il en est de même dans toutes les pièces de son recueil. Voyez à ce sujet Vestiges d'un article archaïque, Revue, 3e série, II, 28-29.