À Madoumaisela I. T.

À Madoumaisela I. T. ("To Miss I. T.") is a poem in Occitan by Louis-Diogène Guiraldenc (1840-1869). See the Guiraldenc page for all of his poems and more about the poet himself.

The flower of an orange tree.
Flower of an orange tree. Source: Wikimedia

Table of contents

  1. Original Version
    1. À Madoumaisela I. T.
    2. Observations

Original Version

The following is the original version of the poem in the Montpellieran dialect of occitan, with observations by A. Roque-Ferrier in French.

À Madoumaisela I[sabela] T[issiè]

Ara ses retracha ben[1] bela!
Lou sourel, emé sous rais[2] d'or,
Vous a mignoutat, I[sabela],
Tant e tant qu'es bèu vostre sort.

Ara, amai lou tems desbarbela[3],
D'un cop de soun voulam bistort,
Lous ans que vieurés doumaisela,
Poulida espigarés pus fort.

E s'avaliran[4] de la vista
Vostre front tant pensamentous,
Vostre iol tant cla, vostre er tant dous,

Vostra prestença tant requista,
Pas mai que d'un cor amistous,
Vostra bèutat qu'ai entrevista[5]!

Observations

  1. ^ Le ms. de l'auteur donne tant, qui a ici le sens de ben (bien), acception qu'il prend parfois dans la langue populaire.

    Nous adoptons ben, à cause de la répétition de tant, qui se lit deux fois au quatrième vers.

    Ce sonnet semble avoir été écrit à propos d'une photographie.

  2. ^ On dit rais et raisses, mais ces formes ne sont employées qu'à l'égard des rais ou bâtons qui vont du moyeu de la roue aux jantes. Les rayons du soleil sont désignés par le diminutif raioun, qui, s'il n'est pas irrégulièrement formé, n'en doit pas moins au français rayon son usage à peu près général aujourd'hui.

  3. ^ Il faudrait: desbarbele. Desbarbela est-il une exigence de la rime, une distraction de l'auteur ou un nouveau témoignage de cette forme finale en a que prenaient jadis certains temps des verbes ? (Voyez la note 21 du Souvenì d'una journada de mai.)

  4. ^ Ms.: E s'avaliran pas.

  5. ^ Les vers que l'on vient de lire sont précédés d'un sonnet français et suivis d'un sonnet allemand. Voici le premier :

    Laissez le temps courir et passer les années,
    I[sabelle], en leur vol il n'emporteront pas
    La grâce, la beauté, les faveurs fortunées,
    Que la jeunesse sème aujourd'hui sous vos pas.

    Parmi tant d'autres fleurs qui gémiront fanées
    De voir au vent d'oubli s'effeuiller leurs appas,
    Vous, fleur toujours splendide au gré des destinées,
    Vous brillerez encor même après leur trépas.

    Oui, c'est votre destin de fleurir éternelle,
    De conserver longtemps l'éclat de la beauté
    Dont rayonne une enfant aux jours de son été,

    Grâce au doux souvenir, à l'image fidèle
    Qui rappelle à nos yeux pour toujours Is[abelle],
    I[sabelle], cœur pur et jeune déité !

    Nous avons cité les vers allemands de G. dans la notice biographique. Voici l'inégale traduction qui les accompagne :

    Ah ! vous vivrez longtemps désormais, I[sabelle]!
    Ainsi que sur les monts la lune, une clarté
    Sur vous se lèvera, clarté douce comme elle;
    Ne brille-t-elle point partout, votre beauté ?

    A cette heure, les fleurs que le printemps révèle
    Donnent à vos traits purs leur teint, leur majesté,
    Et couronnent déjà de fraîcheur éternelle
    Votre front qui se dresse avec tant de fierté.

    Laissez votre âme encor posséder l'espérance.
    Cette couronne, enfant, ne peut pas se flétrir.
    Reste votre portrait toujours en évidence,

    Pour vous y voir cachée et vous y découvrir;
    Et tellement fidèle est cette ressemblance
    Qu'Isabelle y paraît seule pour l'y chérir.

    L'auteur écrit seulement dans ce dernier vers le prénom de la jeune fille pour laquelle il composa les trois poésies que l'on vient de lire. Il est ailleurs indiqué par l'initiale I, sauf un seul cas où on lit Is. C'est pour elle qu'il a composé aussi l'épithalame qui suit :

    Votre front virginal aujourd'hui va changer
    Sa parure de lys pour la fleur d'oranger
        Et ceindre un nouveau diadème;
    Devant cet avenir vous tressaillez d'émoi.
    Pouvez-vous hésiter, ô reine ? votre roi
        N'est-il pas celui qui vous aime ?

    Oh ! tendez votre tête aux mains de votre époux
    Qui veut vous présenter la couronne à genoux
        Plutôt en esclave qu'en maître;
    Et régnez sur son cœur sans crainte et sans regret
    Comme depuis longtemps votre cœur en secret
        Sait pour son roi le reconnaître.

    Et parce qu'en ce jour, aux yeux de l'univers,
    Il vous faut dévoiler les sentiments divers
        Qu'il a fait naître dans votre âme,
    Parce que votre amour enfin doit s'embellir
    Des rayons de l'hymen, on vous verrait pâlir
        Et trembler devant cette flamme.

    On conçoit vos soucis. Vous vous dites tout bas :
    Dois-je suivre un chemin que je ne connais pas,
        Quand ma route est si fortunée ?
    Pour guide y trouverai-je un plus heureux destin ?
    Sur un tapis de fleurs comme dans mon matin
        Marcherai-je dans ma journée ?

    Et dès les premiers pas la vie a sur vos traits,
    Sur votre âme épandu tant de dons, tant d'attraits,
        Vertu, beauté, candeur, jeunesse,
    D'un bonheur si parfait comblé votre désir
    Que l'unique pensée de vous en dessaisir
        Vous attriste en votre allégresse.

    Mais ces faveurs du ciel vous atteindront toujours,
    Vous ne les perdrez point; et dans les nouveaux jours,
        Où votre époux qui vous adore
    Vous conduit, vous prenant votre main dans sa main,
    Vous brillerez encor de cet éclat serein
        Dont s'illumina votre aurore.

    Que dis-je ? Désormais la plus vive splendeur
    En vous relèvera la grâce, la pudeur,
        Ces joyaux de l'adolescence,
    Dont se paraît toujours votre virginité,
    Et vous revêtirez de la maternité
        Et la grandeur et la décence.

    Ainsi l'aube apparaît splendide après la nuit
    Et colore les champs où sa clarté reluit
        En y portant ses doigts de rose.
    Mais l'aurore à son tour perd son teint si vermeil
    Et les champs son reflet, quand l'orbe du soleil
        S'élève en l'azur grandiose.

    Ainsi votre printemps fuit devant votre été.
    Les jours en seront longs, pleins de félicité.
        Ne regardez pas en arrière.
    Qu'importe à vos regards les feuilles et les fleurs.
    C'est la saison des fruits, cueillez-les et sans pleurs
        Moissonnez la récolte entière.

    Puis, de ces biens acquis, comme de vos vertus,
    Enrichissez les murs où se sont encor tus
        Les noms sacrés de la famille.
    Soyez leur bon génie ou leur bon séraphin,
    Afin que sous vos traits la femme soit enfin
        Plus grande que la jeune fille.

    N'est-ce pas un beau sort qu'un avenir de paix ?
    N'en goûterez-vous pas vous-même les bienfaits,
        Si, tous les jours, dans votre asile,
    N'ayant pour horizon qu'un seul être à chérir,
    De votre affection vous venez le nourrir,
        Lui rendre sa tâche facile?

    N'est-ce pas un spectacle auguste et solennel
    Que d'ouvrir à vos fils votre sein maternel,
        Afin qu'ils y puisent la vie,
    La piété, le respect, l'amour, le dévouement,
    Auxquels sans se lasser votre âme à tout moment
        Et les appelle et les convie ?

    L'enfant, ô jeune épouse, est l'âme du foyer;
    C'est l'orgueil des parents quand Dieu veut envoyer
        Sous leur toit cette tête blonde.
    Et pour vous quel bonheur si ces êtres humains,
    Donnent sous l'œil d'un père un baiser à vos mains !
        Et quelle émotion profonde !

    Oh ! ne rougissez pas ! Ce destin est à vous
    D'aimer d'un amour tendre et constant votre époux,
        Qui vous rendra votre tendresse,
    De vous voir tous les deux revivre en vos enfants
    Comme en vous se sont vus renaître triomphants
        Ceux que charma votre jeunesse.

    Croyez-vous que leurs cœurs pourraient se dilater
    S'ouvrir en ce beau jour et de joie éclater,
        À l'aspect de votre hyménée,
    S'ils n'étaient convaincus qu'un bonheur trop certain
    Vous accompagnera dans le sentier lointain
        Où votre existence est menée ?

    Non, s'ils n'espéraient pas un riant avenir,
    Votre hymen ne saurait aujourd'hui réunir
        Et votre père et votre frère,
    Vos parents, vos amis qui, près de vous pressés,
    Déposent à vos pieds radieux, empressés,
    Leurs vœux sortis d'un cœur sincère.

    Allez donc, jeune femme, unie à votre époux,
    Savourer sur la foi d'un augure aussi doux
        Votre affection partagée !
    Puissiez-vous du nectar vous enivrer toujours
    Au milieu du bonheur, des enfants, des longs jours
        Qu'attend votre vie engagée.

    Et n'oubliez jamais que d'un commun accord
    Tous ceux qui vous sont chers ont imploré le sort
        D'être clément pour votre tête;
    Que de près ou de loin tous auront applaudi,
    Même cet inconnu peut-être bien hardi
        D'amener sa muse à la fête !